Retrouvez la transcription écrite de notre podcast en droit du travail
Parce que le droit nous concerne toutes et tous, Droit Pluriel met à disposition son podcast en version écrite
L’insertion professionnelle des personnes aveugles ou malvoyantes ne doit pas reposer sur la seule bienveillance des employeurs et des collègues. Seul le droit garantit une véritable égalité des chances. Pourtant, trop souvent, le manque d’information freine l’accès à l’emploi et le maintien dans l’entreprise.
Entre mars 2022 et juin 2023, grâce au soutien de l’Union Nationale des Aveugles et Déficients Visuels (UNADEV), les juristes et avocats de Droit Pluriel ont sillonné la France (Paris, Bordeaux, Lille, Toulouse, Marseille) pour informer et accompagner travailleurs et employeurs.
Objectif : démocratiser les règles du droit du travail afin que chacun connaisse et fasse valoir ses droits.
Épisode 1 - L'entretien d'embauche
Épisode 1 – L’embauche
Je ne sais jamais si je dois marquer sur mon CV que je suis travailleur handicapé. Je suis malvoyant, mais les gens ne le remarquent pas toujours. Est-ce que ce n’est pas mieux de faire l’entretien d’embauche sans rien montrer et de parler du handicap une fois le contrat signé ? Je crois qu’il faut dire directement qu’on est aveugle sur le CV ou alors au moment de l’entretien d’embauche. Sinon, l’employeur peut se sentir trompé et rompre le contrat de travail. Le truc compliqué, c’est de savoir s’il faut minimiser la cécité pour rassurer l’employeur ou s’il vaut mieux être transparent sur les difficultés que cela pose concrètement. Par exemple, moi, j’ai perdu la vue il n’y a pas si longtemps, et je ne suis pas encore totalement adapté à l’informatique. Je suis encore des cours. Je le dis ou je le cache ?
La loi n’exige pas que le handicap soit mentionné, ni sur le CV, ni lors de l’entretien. Mais à un moment donné, vous devrez informer votre employeur si vous avez besoin d’aménagements, notamment si vous avez une RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé). L’employeur est tenu d’adapter le poste en fonction du handicap, il doit donc savoir quels aménagements prévoir. Si vous ne dites rien, vous ne pourrez pas lui en demander ensuite.
Concernant le moment opportun pour en parler, vous avez le choix. Cela peut être durant l’entretien ou une fois que votre embauche est confirmée.
Vous avez donc le choix : soit le dire dès le départ, soit une fois en poste. Toutefois, quoi qu’il en soit, on ne pourra jamais vous reprocher de ne pas l’avoir mentionné lors de votre entretien.
L’AGEFIPH propose aussi des aides qui peuvent se cumuler avec la PCH, notamment :
L’aide au parcours vers l’emploi (jusqu’à 530 € pour financer les frais de déplacement d’un demandeur d’emploi).
L’aide au déplacement en compensation du handicap (jusqu’à 12 000 € par an pour se rendre au travail en taxi).
Pour la fonction publique, il faut s’adresser au FIPHFP, qui propose des aides similaires.
Dans votre cas, la situation est certes très désagréable, mais elle ne constitue pas une infraction comme pourrait l’être une discrimination. Nous sommes plutôt face à un manque de formation et d’information.
L’AGEFIPH propose sur son site des conseils pour adopter un comportement respectueux envers une personne en situation de handicap. Droit Pluriel propose également des vidéos de sensibilisation. Vivre ensemble s’apprend, et il est essentiel de mieux informer les employeurs pour éviter ces maladresses.
Épisode 2 - Le contrat et l'aménagement de poste
Épisode 2 – Le contrat et l’aménagement de poste
Je fais quoi si, à mon arrivée au travail le premier jour, il faut signer le contrat de travail ? Comment puis-je être sûr que ce qu’on me dit correspond vraiment à ce qui est écrit ?
Pour éviter de signer le contrat le jour J sans avoir pu le lire avant, il est toujours possible de demander que ce contrat vous soit transmis au préalable dans un format numérique. Cela vous permettra de le lire avec un logiciel comme JAWS ou Supernova, par exemple, avant de devoir le signer.
J’ai commencé à travailler dans une association en tant que psychologue. Je n’ai encore rien signé. Le directeur m’avait dit que nous régulariserions par la suite. Il m’a donné mon contrat seulement 10 jours plus tard, et c’était un CDD, alors que nous avions parlé d’un CDI, ce qui était essentiel pour moi car je cherche un appartement en ce moment. Est-ce légal ?
C’est ici un rapport de force, au moins autant qu’une question de droit. Tout dépend des preuves à votre disposition. Si vous avez des preuves écrites que le contrat prévu à l’origine était un CDI, votre employeur sera juridiquement considéré comme de mauvaise foi. Ne signez donc surtout rien et faites-lui valoir que, si vous engagez une action en justice, le contrat pourrait être requalifié en CDI. Si vous n’avez pas de preuve écrite, la requalification sera plus difficile, mais l’employeur pourrait devoir vous dédommager pour la signature tardive du contrat.
Mon contrat de travail est très court, il tient sur une page et ne mentionne même pas les jours de congé. Est-ce normal ?
Les contrats de travail comportent des mentions obligatoires qui varient en fonction du type de contrat. Pour un CDD, un contrat d’apprentissage ou un CDI à temps partiel, certaines mentions, comme la durée du contrat ou le nombre d’heures travaillées, sont obligatoires. En revanche, les jours de congé ne sont jamais une mention obligatoire. Pour un CDI à temps plein, aucune mention n’est obligatoire, sauf si la convention collective le prévoit. Rassurez-vous, même si le contrat ne prévoit rien, la loi garantit à tous les salariés cinq semaines de congés payés par an.
J’ai été augmenté sur ma feuille de salaire, mais mon contrat n’a pas été modifié. Est-ce normal ? Cela signifie-t-il que mon salaire peut être diminué ?
Ce n’est sans doute pas normal. En principe, votre employeur doit recueillir expressément votre accord pour modifier votre salaire, même à la hausse. Cependant, il existe une exception : si vous êtes rémunéré au SMIC, les augmentations se font automatiquement tous les ans au 1er janvier, voire plus fréquemment en cas de forte inflation.
Je ne travaille pas les vendredis, mais je voudrais changer pour garder mes petits-enfants les mercredis. Ai-je le droit de demander cette modification ?
C’est plutôt une question d’arrangement avec votre employeur qu’un problème de droit. Vous pouvez toujours faire une demande de modification de vos jours de travail, mais l’employeur a le droit de refuser. Toutefois, il serait en tort s’il accordait ce changement à tous les autres salariés sauf à vous.
Je voudrais faire une pause dans mon contrat de travail. On m’a parlé de la mise en disponibilité. Est-ce un droit ou mon employeur peut-il me le refuser ?
La mise en disponibilité n’existe que dans la fonction publique. Elle permet un arrêt temporaire du travail tout en restant fonctionnaire. Selon les cas, elle peut être un droit (par exemple, pour s’occuper d’un proche ou d’un enfant de moins de 12 ans) ou être soumise à l’accord de l’administration (pour convenance personnelle ou reprise d’études). Pour faire une demande de mise en disponibilité, il est recommandé d’envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception. Si l’administration ne répond pas dans un délai de deux mois, la demande est considérée comme acceptée.
Épisode 3 - Discrimination et harcèlement moral
Épisode 3 : Discrimination et harcèlement moral
D’un côté, on dit que la discrimination est interdite dans l’emploi. De l’autre, on sait que tous les métiers ne sont pas possibles quand on est aveugle. Alors, je me demande vraiment quelle est la règle. Si je veux être pilote de ligne et qu’on me refuse à cause de ma super malvoyance, est-ce que c’est de la discrimination ?
Discriminer quelqu’un, c’est le traiter différemment des autres de manière illicite, c’est-à-dire interdite par la loi. Il faut donc toujours rentrer dans le cadre de ce que dit la loi pour qu’une discrimination soit caractérisée.
En revanche, en droit, une distinction faite entre deux personnes n’est pas une discrimination si elle se fonde sur une exigence professionnelle essentielle et déterminante, et que l’objectif est légitime et proportionné.
Une bonne vue, par exemple, est nécessaire pour piloter un avion en toute sécurité. Sélectionner les candidats en fonction de ce critère ne peut donc pas constituer une discrimination.
Mais ce n’est pas parce que l’employeur peut rompre à tout moment et sans motif le contrat durant ces 45 jours qu’il peut se permettre de faire n’importe quoi.
Ce que vous rapportez caractérise bien une discrimination, car l’attitude de l’employeur de votre fils n’est ni proportionnée ni légitime.
Puisque c’est l’agriculteur qui a commis les faits, il sera bien plus simple d’agir directement contre lui que contre l’école.
Sachez que la discrimination est un délit puni au maximum de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende. Vous avez aussi droit à des dommages et intérêts si vous vous constituez partie civile. Mais pour cela, il faut d’abord porter plainte en vous rendant directement au commissariat ou en envoyant un courrier au procureur de la République.
Vous pouvez aussi décider de ne pas agir au pénal et préférer saisir le conseil de prud’hommes, le tribunal compétent pour les litiges survenus au travail. Dans ce cas, prouver la discrimination sera plus simple, et le procès plus facile à gagner.
Nous pouvons également vous conseiller de saisir le Défenseur des droits, dont l’un des rôles principaux est justement de lutter contre les discriminations. Il vous aidera à faire valoir vos droits.
Il est en revanche parfaitement illégal de modifier en cours de contrat la rémunération d’un salarié. Si c’est le cas, ce que fait votre employeur non seulement est interdit par la loi, mais constitue aussi une discrimination. Le droit prévoit en effet l’application du principe à « travail égal, salaire égal ».
J’ai commencé à travailler à la mairie il y a six ans. Les autres ont changé de poste, ils ont évolué. Moi, je reste au même poste avec les mêmes missions. Clairement, c’est de la discrimination. Le motif avancé est que je suis aveugle et que c’est difficile de me trouver un autre poste compatible. C’est 100 % faux, parce qu’aujourd’hui, je fais de l’accueil téléphonique, mais on ne m’a jamais proposé de formation pour faire autre chose. Pourtant, je pourrais faire de l’organisation de planning, des guides, par exemple, et je bosse dans le tourisme.
La stagnation professionnelle peut tout à fait caractériser une discrimination, que ce soit dans le secteur privé ou, comme pour vous, dans le public.
Mais à la différence du privé, l’action en justice se ferait pour vous devant le tribunal administratif et non le conseil de prud’hommes, à moins que vous n’agissiez au pénal, ce qui est possible dans tous les cas.
Épisode 4 - Les conflits et le licenciement
Épisode 4 : Conflit et licenciement
Je me sens mal dans mon travail. Mon responsable me fait des critiques méchantes et injustes tous les jours. Je suis traductrice et il me reprend sans cesse, alors que dans notre métier, il n’y a pas qu’une seule façon de faire. Chacun a sa plume. Je ne sais pas s’il veut me virer ou quoi, mais je ne peux plus rester dans cette situation. Il m’a dit que j’étais gardée uniquement en raison de mon handicap.
Tout le problème des conflits au travail est de savoir où le droit prend place. Les difficultés les moins graves peuvent souvent être réglées par le dialogue. Mais lorsque le conflit s’envenime et tourne au harcèlement moral, à la discrimination, à l’injure ou à la diffamation, le droit intervient.
Les faits que vous rapportez entrent bien dans certains de ces cas. Des critiques quotidiennes qui altèrent vos conditions de travail peuvent relever du harcèlement moral. Par ailleurs, les propos sur votre situation de handicap relèvent de l’injure à caractère discriminatoire, une infraction punie d’une amende de 1 500 € si l’injure n’est pas publique. Si elle l’est, par exemple si elle a été proférée dans la rue, elle devient un délit passible d’un an de prison et de 45 000 € d’amende.
Vous pouvez demander des réparations en vous constituant partie civile. Pour faire valoir vos droits, il est essentiel de conserver toutes les preuves possibles.
Notez par écrit votre version des faits pour éviter qu’on vous reproche un abandon de poste, par exemple. Parlez-en à vos représentants du personnel ou à des collègues qui pourraient discuter avec votre patronne. Il est préférable d’essayer de régler le conflit à l’amiable avant d’envisager une action en justice.
Financièrement, il vaut mieux ne pas démissionner, car vous ne toucheriez ni indemnisation ni allocation chômage. Il est donc préférable de négocier une rupture conventionnelle ou d’attendre un licenciement. Faites-vous aider pour vérifier les accords collectifs, qui peuvent prévoir des indemnités plus favorables que celles prévues par la loi.
Votre employeur n’a pas le droit de vous licencier pour faute en prétendant que vous n’avez pas vu quelque chose. Le licenciement pour motif discriminatoire est interdit.
Cela pourrait vous permettre de prendre du recul et de réfléchir à vos options. Vous pourrez soit réintégrer votre poste, soit le quitter définitivement.
Épisode 5 - La formation et la reconversion
Épisode 5 : Formation et reconversion
Je dois avoir des aménagements pour mes épreuves à l’université. Je n’arrête pas de demander, on ne me répond pas ou on me renvoie à un autre service. La date des examens approche, qu’est-ce que je fais ?
La loi prévoit en effet des aménagements d’épreuves pour les personnes en situation de handicap, comme l’octroi d’un tiers-temps, la présence d’un assistant ou encore la mise à disposition d’un matériel adapté, par exemple une synthèse vocale.
Pour en bénéficier, il est indispensable de formuler votre demande auprès d’un médecin du Service de Santé Universitaire (SSU), qui la transmettra à la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH).
Il faut impérativement avoir fait cette demande avant la date limite d’inscription à l’examen, sauf si votre situation de handicap est apparue après ou a significativement évolué depuis cette date.
Si vous avez déjà obtenu l’avis de la CDAPH, votre université doit rendre une décision en fonction de cet avis. Vous pouvez former des recours contre cette décision, mais une fois prise, elle doit être appliquée. Cela peut parfois être compliqué en pratique, alors soyez vigilant.e pour faire respecter vos droits.
En revanche, si votre demande n’a pas été formulée à temps, il est malheureusement impossible d’obtenir un aménagement des épreuves, car la loi ne prévoit rien en dehors des délais.
Puisque dans votre cas, les frais de transport pour vous rendre au lycée étaient déjà pris en charge, ce sera la même chose pour vous rendre à l’université.
N’oubliez pas que les demandes sont à formuler auprès des services de transport de votre région et des conseils départementaux, selon le type d’aide dont vous avez besoin. Les modalités et la prise en charge peuvent légèrement varier d’une région à l’autre, même si certaines règles de base sont communes à toute la France.
Votre situation de handicap n’a, fort heureusement, aucune incidence sur ce droit, qui est le même pour toutes et tous.
Il s’agit là d’une discrimination, un délit puni par la loi. Un précédent épisode du podcast parle des recours possibles si vous êtes victime de cette infraction.
Si vous travaillez dans le secteur privé, plusieurs possibilités existent :
L’AGEFIPH (Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées) finance des formations permettant d’être maintenu dans l’emploi.
Vous pouvez aussi utiliser votre Compte Personnel de Formation (CPF), qui vous permet de cumuler 800 € par an en étant en situation de handicap, avec un plafond à 8 000 €.
Si vous avez travaillé au minimum 24 mois (dont 12 dans votre entreprise) et souhaitez changer de métier, vous pouvez bénéficier d’un Projet de Transition Professionnelle (PTP).
Si vous travaillez dans le secteur public et êtes fonctionnaire, vous avez un accès prioritaire à la formation. C’est le Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique (FIPHFP) qui joue ici le rôle de l’AGEFIPH.
Le CPF du secteur public fonctionne en heures et non en euros : vous cumulez 25 heures par an.
Si un organisme de formation refuse de vous accueillir en raison de votre handicap, vous pouvez saisir la Défenseure des Droits, qui peut intervenir pour faire respecter vos droits.
Épisode 6 - La retraite
Épisode 6 – La retraite
Je ne comprends rien avec toutes ces réformes. La retraite, c’est à quel âge pour un travailleur handicapé ?
Concernant la retraite anticipée d’un travailleur en situation de handicap, plusieurs cas de figures existent. Le premier est la retraite pour handicap. Si vous avez effectué votre carrière avec une incapacité permanente d’au moins 50 % et que vous avez cotisé un nombre minimal de trimestres (variable selon votre année de naissance), vous avez le droit de partir à la retraite entre 55 et 59 ans, en fonction du nombre de trimestres cotisés.
De plus, si vous continuez à travailler après l’âge d’ouverture des droits à la retraite, vous continuerez à percevoir l’AAH. Attention, cette mesure n’entrera en vigueur qu’au plus tard le 1er décembre 2024.