Les enjeux de l'accessibilité dans le prétoire

Cours Assise

 

En juin 2019, Jérôme C., avait été condamné à 30 ans de réclusion criminelle pour meurtre sur conjoint. L’homme est sourd et s’exprime en langue des signes. Trois ans plus tôt, le 29 juillet 2016, l’accusé avait versé de l’essence sur sa compagne qui venait le de quitter avant d’enflammer le corps de celle-ci avec un briquet. Cette dernière avait succombé à ses blessures 22 jours plus tard.

Le procès en appel devait s’ouvrir en mai dernier à la Cour d’assises de Melun. Selon son avocate, Me Laure Berrebi-Amsellem, le port du masque et de la visière empêchaient l’accusé de suivre les débats. ll a donc été renvoyé devant la Cour d’assises de Melun et a débuté le lundi 13 septembre au matin.

Toutes les parties au procès sont sourdes : non seulement l’accusé mais également les parties civiles. La victime s’exprimait, tout comme sa famille, en langue des signes. Un soin particulier a donc été apporté à l’accessibilité de l’audience.
Une équipe de 4 interprètes, dont une experte judiciaire auprès de la Cour d’appel de Paris, se relaie toutes les 15 minutes pour assurer l’exercice périlleux que représente la traduction d’un procès pénal où se croisent sourds et entendants. Trois des interprètes portent un masque transparent dit inclusif, et le quatrième a bricolé un masque chirurgical y glissant un morceau de plastique.
Dans la salle d’audience, trois moniteurs sont reliés à un rétroprojecteur, dont un disposé en face du public, et sur les côtés de la salle de façon à ce que les parties civiles et également l’accusé puissent les voir clairement. Au cours de l’audience, les experts se servent du rétroprojecteur pour montrer au public les schémas, photos. Un dispositif de vélotypie, outil transcrivant les débats en texte défilant sur un écran, aurait encore amélioré l’accessibilité.
 
Reste un enjeu important, celui la confidentialité des échanges qui doivent exister entre client et avocat.  Pendant toute la durée de l’audience, l’avocate Me Berrebi ne s’adresse pas directement à son client, l’accusé. En effet, les discussions en langue des signes sont visibles par tous, surtout par les parties civiles et le public.
 
Il semble que les avocats aient trouvé une solution : ils sont assistés près d’eux d’une personne entendante, qui fait office d’intermédiaire, à qui ils chuchotent des propos que cette dernière traduit en langue des signes en tournant le dos à la partie adverse installée en face. Ce tiers, ni interprète professionnel, ni professionnel du droit, se présente donc comme un interface sur lequel repose cette lourde responsabilité de garantir une communication fluide et sûre entre avocat et client. Une solution de paravent opaque serait peut-être à imaginer pour permettre un échange direct qui serait à l’abri du regard de tous.
 
Droit Pluriel constate que le choix d’interprètes professionnels apporte une réelle qualité à l’accessibilité : les échanges sont retransmis de manière fidèle et complète. C’est une marque de respect pour les victimes que de leur permettre d’accéder pleinement à ce moment tragique de leur histoire. L’accessibilité est surtout la condition d’une justice qui fait son œuvre. L’accusé ne peut pas non plus être exclu de cette audience qui sera le dernier moment où il pourra s’exprimer sur ses actes.

 

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